Calvin Russell - The Last Call, In The Heat Of A Night

01. Freight Train Blues
02. Texas Blues Again
03. Halloween
04. 5M2
05. Behind The 8 Ball
06. Rats And Roaches
07. Soldier
08. Rolling Wheel
09. Dawg Eat Dawg
10. Are You Waiting
11. Ain't Leaving You Love
12. Too Old To Grow Up Now





" L’Europe, et plus particulièrement la France, découvre Calvin Russell à l’orée des années 90. On l’aperçoit sur la mythique émission Nulle part ailleurs de Canal Plus, où il se fait connaître avec son country blues rock décharné et sincère. Il a à l’époque 44 ans mais en paraît 70. Il faut dire que les années qu’il a passées dans les pénitenciers du Texas et du Mexique ont laissé des traces. Le visage buriné, un chapeau cabossé vissé sur le crâne, Calvin Russell égrène sa musique aride, honnête et adulte. Le gamin qui a appris le blues auprès du petit ami de sa grande sœur trouve refuge aux Pays-Bas et rattrape le temps perdu en alignant les albums à un rythme stakhanoviste. Sa carrière de musicien commence à 41 ans et il a eu beaucoup de temps pour imaginer des chansons lors de ses séjours en taule. Oh, ce n’était pas un criminel, rassurez-vous, juste un vendeur de marijuana né au mauvais moment au mauvais endroit.

Calvin Russell a bien fait de nous sortir son œuvre à toutes vitesses, car la maladie a fini par le rattraper et l’embarquer pour le grand voyage à l’âge de 62 ans, en avril dernier. Il laisse des albums de blues et country authentiques, forgés par la vie, dont les plus remarquables paraissent au milieu des années 1990
 : "Dream of the dog" (1995), "Calvin Russell" (1996), "Country Sam" (1999). Calvin Russell y révèle tout le génie qu’il a appris de ses protecteurs, des musiciens légendaires comme Joe Ely, Butch Hancock, Townes Van Zandt ou Terry Allen. Dans ces disques, Calvin Russell nous montre toutes ses qualités de parfait anarchiste, écorchant au passage les institutions que sont la religion ("I don’t wanna go to heaven"), l’armée ("Soldier"), le Président des États-Unis ("Oval room") et exaltant les vertus de la liberté ("Live till I die", "My way", "Free in freedom").

Ce libertaire inclassable, mais suffisamment honnête envers le genre humain pour écrire de magnifiques albums foncièrement proches de la vie dans ce qu’elle a de plus humble, n’est désormais plus là mais son œuvre demeure. L’exhumation de sa musique dans un souci posthume a déjà commencé et le label XIII Bis nous propose ici avec ce "The last call in the heat of a night" un concert enregistré lors de la tournée d’adieux du printemps 2009 à Biarritz, ainsi qu’un DVD couvrant un autre concert de la même époque à Issy-les-Moulineaux, dans la banlieue parisienne.

Juste un conseil : vous prenez votre chaise, vous vous asseyez dessus, vous écoutez. Et là, vous chavirez, bousculés à la fois par les énormes riffs blues rock de "Freight train blues", "Rolling wheel" ou "Texas blues again" et déchirés par les ballades mélancoliques et fortes de "Halloween" ou "Rats and roaches". Le concert qui se déroule à Biarritz reçoit les ovations passionnées du public, qui révérait Russell en France. L’homme a d’ailleurs vécu un certain temps à Paris, ce qui lui permet de chantonner la chanson "5m²" dans la langue de Voltaire. La production sonore est formidable et certains morceaux qui peuvent dériver jusqu’à près de huit minutes sont tout simplement fabuleux.

L’électricité puissante qui se dégage sur le CD est remplacée sur le DVD par un concert acoustique, tout aussi émouvant. On retrouve en gros les mêmes morceaux que sur le CD, assortis d’une reprise acoustique du "Gimme shelter" des Rolling Stones qui dresse les poils de la colonne vertébrale. Le DVD est enrichi du making of du dernier album de Calvin Russell, "Dawg eat dawg", et d’une interview de Calvin Russell en compagnie de Gérard Lanvin, le célèbre acteur dont le fils Manu était guitariste du Texan, et qui a écrit les paroles françaises de "5m²". Le tout est passionnant, définitivement."


François Becquart
Music in Belgium